Editorial

retour au sommaire


ELECTIONS LEGISLATIVES MAROC 2007 :

QUESTIONS FREQUEMMENT POSEES

 

1 - Quels sont les enjeux de ces élections ?

 Le Maroc vient de vivre dix années remarquables qui ont mis en place les voies du changement démocratique. On peut situer le début de cette décennie à l'installation du gouvernement de transition démocratique. Ensuite on peut citer la tenue des élections de 2002, considérées par tous les marocains comme les premières élections transparentes et crédibles du pays depuis l'indépendance.

On peut citer aussi parmi les multiples réformes politiques de la décade :
 


Le Maroc a accompli un certain nombre de réformes au cours des dernières années, qui visent à l'inscrire dans une dynamique de démocratie et de modernité. Néanmoins, les acquis démocratiques sont encore fragiles. Ils doivent être soutenus et consolidés par l'engagement ferme de tous les marocains.

La transition démocratique doit céder la place à une démocratie installée, consolidée, sûre d'elle même.

2 - Les marocains se désintéressent-t-ils de la politique ?

Contrairement à une opinion courante, les débats organisés par le CDM et par d'autres associations ont montré que le citoyen marocain ne se désintéresse pas de la politique. Il est au contraire un observateur attentif de tout ce qui se passe dans le champ politique. Les citoyens ont participé en grand nombre aux débats qui ont souvent été passionnés. Ils ont duré plusieurs heures à chaque fois, mais les participants souhaitaient plus de temps de parole pour la salle et plus d’occasions de débats. Les questions posées par les intervenants révèlent une bonne maîtrise des données et une bonne analyse des problèmes.

Le désintérêt qui est constaté concerne une certaine pratique de la politique dans notre pays, et un manque de confiance dans des partis ou  des personnalités politiques. Il relève aussi d'une perception incomplète et parfois erronée des prérogatives et de devoirs de chacun.

Parmi les causes déclarées par les intervenants on peut relever :

3 - Peut-on construire une démocratie sans partis politiques ?

C'est une idée qui a été défendue par certains. Partant de la situation de malaise qui règne au sein de certains partis politiques, ils ont préconisé le recours aux technocrates ou à la société civile, pour jouer leur rôle. Il faut rappeler que quelle que soit la compétence des technocrates, ils ne sont pas porteurs d'un projet collectif émanant de la volonté populaire, et de surcroît, n'ont pas de comptes à rendre à la population, comme le font les partis lors des élections.

La société civile, quel que soit son dynamisme, n'a pas pour vocation de se substituer aux partis ou de jouer leurs rôles. Ce n'est ni évident ni souhaitable.

La démocratie est basée sur des institutions qui sont elles-mêmes construites sur des partis politiques forts, représentant les choix de la population et lui rendant des comptes de leur gestion.

La société civile a son champ d'action autonome; de même en ce qui concerne les partis politiques.

La société civile et les partis peuvent collaborer pour certains objectifs; les actions communes ne peuvent avoir lieu que dans le cadre d'un partenariat négocié et transparent, respectant les attributions de chacun.

On a vu ainsi certaines ONG travailler, à côté des partis, pour mobiliser les citoyens en vue de leur inscription sur les listes électorales et de leur participation au scrutin.

D'autres ONG ont organisé des débats avec les représentants des partis, pour permettre un dialogue fructueux entre eux et la société civile.

D'autres enfin sont engagées dans l'observation des élections, en vue de garantir leur transparence.

4 - Le parlement et le gouvernement jouent ils réellement leur rôle ?

Beaucoup de marocains se posent la question. Ils ont en effet la perception que les décisions importantes se prennent en dehors du gouvernement et que le parlement est une simple chambre d'enregistrement. Dans quelle mesure cette perception est elle justifiée ?

La multiplication des conseils et des fondations qui travaillent parallèlement au gouvernement rendent légitime cette question.

Il est important qu'elle reçoive une réponse adaptée qui dépend d'une autre question tout aussi importante, celle de la réforme constitutionnelle.

5 - La réforme constitutionnelle est elle à l'ordre du jour ?

Certains partis ont mis la réforme de la constitution comme condition préalable à toute réforme dans les autres secteurs. Ils disent qu'aucune promesse électorale n'est crédible si le parlement et le gouvernement n'ont pas des pouvoirs réels définis par la constitution. Il s'agit d'une opinion partagée par la plupart des partis, la seule différence consistant dans la chronologie des événements. Pour la Koutla, la réforme est à discuter après les élections, alors que pour d'autres il s'agit d'une réforme essentielle nécessitant un débat et une réponse immédiate.

La société civile avait aussi fait une réflexion sur ce sujet et avait conclu à la nécessité et à l'urgence d'une réforme de la constitution pour définir de la manière la plus claire et la plus transparente les attributions qui relèvent du Roi et celles qui relèvent du gouvernement et du parlement.

Ainsi le gouvernement aura les moyens d'appliquer le programme sur lequel il aura été élu et sera responsable des succès ou des échecs.

6 - Quels sont les enjeux de la prochaine législature ?

Tout d'abord gérer la réforme constitutionnelle, qui en dehors des raisons précédemment évoquées doit avoir lieu pour donner des bases juridiques au projet d'autonomie du Sahara marocain, tel qu'il est présenté par le Maroc.

Ce sera aussi l'occasion pour appeler les marocains à se prononcer sur les autres réformes nécessaires pour la mise à niveau de la constitution par rapport à l'évolution générale du pays, et en particulier en ce qui concerne les acquis démocratiques et les droits individuels et collectifs. Elle permettra enfin de consacrer la séparation des pouvoirs, et en particulier la Justice, de définir les attributions des différentes institutions (parlement, gouvernement, premier ministre, fonctionnaires nommés par dahir...).

En ce qui concerne les partis politiques, elle permettra de revoir la loi sur les partis, pour tenir compte de l'expérience de 2007, de revoir le mode de scrutin pour permettre l'émergence d'un champ politique recomposé, de revoir le découpage des régions et des circonscriptions électorales, de revoir le financement des partis dans le sens d'une plus grande équité.

Elle devrait se pencher sur le code de la presse, pour garantir plus de liberté d'expression. Elle devra aussi trouver les solutions pour améliorer la représentation féminine dans les instances de décision politique.

7 - Pourquoi faut-il voter ?

Parce qu'il s'agit d'un acte citoyen.

La citoyenneté signifie l'appartenance à une communauté, qui dans le cas présent, est constituée par l'état marocain. Elle est basée sur des droits, garantis par la constitution, mais aussi des devoirs. Le citoyen a le droit de participer à la gestion de la chose publique, par l'usage du droit de vote pour les adultes de plus de 18 ans.

Ce droit de vote est un acquis relativement récent pour les jeunes et les femmes. Voter, c'est exprimer un choix et indiquer par qui et comment on veut être représentés et gouvernés.

Ne pas voter, c'est permettre à d'autres de faire le choix à ma place, en choisissant des représentants et des programmes qui ne sont pas obligatoirement en ma faveur!

8 - Un taux d'abstention élevé est la règle dans le monde moderne ?

En effet, on constate dans les pays développés que le taux de participation dépasse rarement les 50 %. La différence est que dans ces pays, les principes et les règles du fonctionnement démocratique sont fortement enracinées. Les élections définissent le ou les partis qui gouvernent pour réaliser des objectifs communs à tous les partis en compétition. La différence porte sur la stratégie à utiliser pour y arriver. Mais même dans ces pays on constate une forte mobilisation lorsque les enjeux sont importants. L'exemple récent est celui des élections à la présidence en France en 2002  ou celles de 2007 (85% de votants).

Au Maroc, les changements démocratiques sont encore fragiles. Il y a des résistances majeures au changement parce qu'il remet en cause des situations de rente de toutes sortes. Un taux d'abstention élevé risque de permettre aux adversaires du changement de trouver les moyens de manipuler les leviers de décision politique. Une participation forte au contraire conforterait les choix démocratiques et les rendrait difficiles à remettre en cause parce que la volonté populaire majoritaire se serait déclarée en leur faveur.

9 - Quels sont les choix ?

Il existe aujourd'hui au Maroc deux visions : la première est tournée vers l'avenir, construite sur les référentiels de démocratie et de modernité. Elle vise à sortir le marocain du statut de sujet pour en faire un citoyen à part entière conscient de ses droits et de ses devoirs. Elle veut ancrer le Maroc dans le mouvement mondial basé sur la construction de l'Etat de Droit, respectueux des valeurs universelles.

La deuxième vision est tournée vers le passé. Elle veut ramener le citoyen à une vision d'une autre époque. Au lieu d'adapter l'environnement et le référentiel aux exigences du monde moderne, elle veut adapter le marocain pour qu'il vive comme vivaient nos ancêtres il y a quelques siècles.

10 - Pourquoi le champ politique marocain comporte t-il plus de trente partis ?

C'est un question qui revient souvent, sachant que la volonté générale va vers la recomposition du champ politique avec constitution de grands partis forts ou de coalitions homogènes. Or on constaté la création récente de plusieurs partis, ce qui contribue encore plus à l'émiettement du champ politique.

Les nouveaux partis apportent-ils un enrichissement au débat politique ou au contraire contribuent ils à semer la confusion par leur nombre et la ressemblance de certains programmes électoraux.

Le Maroc ne peut avoir plusieurs projets de société, sous peine d'une contradiction dangereuse menaçant la stabilité de la société et son développement harmonieux.

Il est évident que beaucoup de partis représentent ce que dans d'autres pays on appelle des courants politiques, qui peuvent parfaitement s'insérer dans les partis existants, pour peu que la démocratie interne fonctionne réellement dans ces partis.

11 - Les partis ont ils des référentiels idéologiques et politiques clairs ?

Il est évident que beaucoup de partis marocains n'ont pas encore fait le travail d'adaptation qui permettrait de clarifier leur positionnement idéologique et politique. A force de vouloir toucher tous les groupes, ils finissent par perdre leur identité : sont-ils conservateurs ou modernistes, libéraux ou socialistes, religieux ou laïques ?

Dans toutes les grandes démocraties, le positionnement idéologique des partis est clair, et avec trois ou quatre partis, ils arrivent à répondre aux besoins de la population et de l'intégration dans le processus de mondialisation politique, économique et social.

12 - Quels sont les éléments non négociables du programme de chaque parti ?

Si l'on part de l'hypothèse que les résultats des élections ne donneront pas de majorité absolue à un parti, et que le futur gouvernement sera constitué par une coalition qui devra négocier son programme, il est indispensable que chaque parti précise les éléments de son programme politique qui constituent son socle de base et ne peuvent faire l'objet d'une négociation. Les électeurs votent en effet pour un programme qui peut être adapté en fonction des circonstances, mais non dénaturé.

13 - Pour qui voter ?

C'est la question que se posent de nombreux marocains. Les enquêtes d'opinion ont révélé que les deux tiers des votants n'ont pas encore effectué leur choix définitif. Le problème vient du nombre de partis politiques en compétition et du fait que pour certains « les programmes se ressemblent tous »!

Si le nombre de partis en compétition est élevé, c'est parce que le Maroc fait l'apprentissage de la démocratie et qu'il existe une liberté d'expression politique qui permet à chacun de créer un parti s'il a la perception qu'il apporte une contribution au débat politique. Les électeurs vont faire le tri entre ceux qui apportent un réel enrichissement au débat, et ceux qui n'apportent rien.

La loi sur les partis, le nombre de votes recueillis conditionnant le remboursement des frais de campagne vont obliger les petits partis à se regrouper ou disparaître.

14 - En attendant, comment effectuer le choix ?

L'objectif du Collectif Démocratie et Modernité n'est pas d'encourager à voter pour un parti déterminé, quel qu'il soit. Par contre, notre engagement et notre référentiel nous situent directement dans le camp des démocrates.

Aussi, la première question à poser est : est ce que tel parti a un projet qui contribue à consolider les acquis démocratiques ou non ?

Bien sûr aucun parti ne viendra affirmer qu'il est contre la démocratie. Mais pour tous ceux qui ont un historique politique, il est facile de savoir comment les situer, par rapport aux choix et aux combats qu'ils ont mené dans le passé.

En ce qui concerne les nouveaux, on ne peut que se baser sur leurs engagements électoraux, la personnalité des dirigeants ainsi que leurs parcours politiques antérieurs!

15 - Les programmes se ressemblent-ils vraiment ?

Il peut sembler au premier abord que c'est le cas. C'est naturel, puisque chaque parti doit avoir un programme qui couvre les différents champs de la vie politique, économique, sociale et religieuse.

Mais lorsqu'on les lit attentivement, on peut retrouver des différences significatives. Ces différences tiennent à la sensibilité particulière de chaque parti, à son positionnement politique, au référentiel et aux valeurs qu'il représente.

Un parti conservateur et un parti moderniste n'auront pas la même approche du système éducatif. De même, sur le plan économique, un parti libéral et un parti socialiste présenteront des solutions plus favorables pour l'un à la constitution du capital, plus en faveur de la redistribution des richesses aux travailleurs pour l'autre.

16 - Peut-on voter par affinité pour un parti ou une personne ?

Il est certain que chaque électeur est libre de son choix, et en dernier recours, c'est lui qui choisit le candidat qu'il pense le plus à même de le représenter.

Mais un vote ne consiste pas seulement à choisir un candidat ou un parti. Il contribue à définir la carte parlementaire et par conséquent le choix des personnes qui vont gouverner le pays dans les cinq années qui suivent.

Ainsi, on peut dire que chaque vote compte, et que l'avenir proche du Maroc dépend un petit peu de chacun de nous et des choix que nous allons effectuer.

Le premier choix est d'opter pour les partis qui défendent réellement des valeurs de démocratie et de modernité.

Le deuxième représente ce que l'on peut appeler le vote utile : en effet le mode de scrutin choisi pour ces élections, le découpage électorale, etc. fait qu'il ait difficile pour n'importe quel parti d'avoir une majorité absolue, ou même relative.

En votant utile, c'est à dire pour un parti dont le poids politique est connu, dont le programme est proche de notre choix, sans être pour autant celui que l'on mettrait en première position, on contribue à donner à nos représentants les moyens de gouverner et d'appliquer les programmes sur lesquels ils ont été élus, sans être obligés de recourir à un consensus minimal dans le cadre d'une coalition large.

17 - Les scores de partis aux élections sont-ils importants ?

Si le score qu'un parti politique déterminé obtiendra pendant les élections est important ou même vital pour certains, il n'a qu'un intérêt relatif pour le citoyen. Les petits partis ont pour objectif de passer la barre des cinq pour cent de votants pour obtenir le soutien financier de l'état. Les grands partis sont intéressés par leur score, qui peut orienter le choix pour la désignation du premier ministre et le nombre de portefeuilles ministériels auxquels ils peuvent prétendre, sachant que la constitution actuelle ne fait pas obligation au Roi de choisir le premier ministre dans le parti ayant obtenu le meilleur score, ni même au sein des partis politiques.

Ce qui importe, pour le citoyen, c'est que la majorité résultant des élections puisse continuer le travail commencé et construire le Maroc pour qu'il puisse répondre aux attentes et aux besoins de nos enfants.

18 - Comment mobiliser les marocains pour les impliquer dans le champ politique ?

Aujourd'hui, l'urgence est de mobiliser tous les marocains pour qu'ils s'expriment dans le prochain scrutin du 07 septembre.

Mais il est important que la mobilisation actuelle ne se termine pas avec les élections. Cette mobilisation peut prendre des formes diverses, car la démocratie n'est pas seulement la participation à certains choix formalisés par la constitution, mais aussi une culture, qui doit devenir généralisée et intériorisée par tous les marocains. Pour cela, il faut beaucoup d'efforts et de pédagogie et un débat permanent, qui ne peut avoir lieu que dans un champ politique régi par les libertés individuelles et collectives telles que définies par les référentiels universels et les lois internationales et tout particulièrement en ce qui concerne la liberté d'opinion et la liberté de presse. Les partis politiques, les médias et la société civile ont un rôle majeur à jouer pour faciliter le débat et l'émergence de cette culture démocratique.

Le Maroc de demain se construit aujourd'hui. Il résultera de la volonté déclarée des marocains. Ceux qui ne se déclarent pas faussent le jeu politique en permettant à d'autres de se prononcer à leur place et de se prétendre des porte-parole de tous ceux qui ne prennent pas la peine de se déplacer aux urnes.

Un adage dit que ce sont « les bons citoyens qui ne votent pas qui élisent les mauvais gouvernements »!

En tant qu'association ayant pour objectif de promouvoir la démocratie et la modernité, nous ne pouvons que demander aux citoyens de voter, de voter pour les démocrates, de voter utile si possible !

Collectif Démocratie et Modernité

retour au sommaire